Thème 6 : L’enjeu de la connaissance

Chapitre introductif : Transmettre et partager la connaissance

Vers une « société de la connaissance » ?

Introduction

Citation de Thucydide (Ve siècle av. J.-C.) :
« Avoir des connaissances sans les partager, c’est se mettre au niveau de celui qui n’a pas d’idées. »
(Histoire de la guerre du Péloponnèse)

Cette citation de l’historien grec Thucydide met en lumière un principe fondamental : la connaissance ne prend tout son sens que lorsqu’elle est partagée. En effet, la connaissance ne se limite pas à la simple accumulation d’informations isolées ; elle est un processus dynamique qui transforme l’information brute en savoir utile, mobilisable et compréhensible. Ce processus est à la fois mental, car il implique une activité cognitive individuelle, et social, car il nécessite la communication, la transmission et l’échange entre individus et groupes. Ainsi, la connaissance est un bien collectif qui se construit et se diffuse au sein des sociétés.

La connaissance : un processus mental et social

• Définition : La connaissance résulte d’un processus complexe par lequel une information brute, souvent fragmentaire et non organisée, est transformée en savoir structuré, pertinent et applicable.
• Ce processus comprend plusieurs étapes interdépendantes : la perception des données, leur analyse critique, la mémorisation, la compréhension approfondie, puis la transmission à d’autres individus ou groupes.

Exemples dans le monde animal (grands primates) :

• Orang-outan et tour de magie : L’orang-outan démontre une capacité à reproduire la logique de la connaissance en comprenant la manipulation d’objets dans un contexte nouveau, comme un tour de magie. Cela illustre une forme d’intelligence cognitive et d’adaptation.
• Apprentissage de l’alimentation : Les jeunes orangs-outans apprennent à ouvrir une noix de coco en observant et en imitant les adultes, ce qui témoigne d’une transmission sociale du savoir-faire, essentielle à la survie.
• Apprentissage du bricolage : L’orang-outan développe des compétences techniques en expérimentant et en imitant, ce qui montre une capacité à innover et à adapter des outils à ses besoins.

Ces exemples démontrent que la connaissance n’est pas une exclusivité humaine. Chez les grands primates, elle se manifeste par des processus cognitifs avancés et une transmission sociale qui permet la pérennisation et l’évolution des savoirs. Toutefois, la complexité, la diversité et la rapidité de la transmission humaine restent uniques.

La « société de la connaissance » selon Peter Drucker

• Peter Drucker (1909-2005), penseur américain et pionnier du management moderne, a introduit la notion de « société de la connaissance » dans son ouvrage The Age of Discontinuity (1969).
• Définition : Il s’agit d’une société où l’information circule rapidement et massivement, et où la connaissance, comprise comme source d’innovation et de création de valeur, devient la principale ressource stratégique pour le développement économique et social.

Historique et évolution de l’accès à la connaissance

• Dans l’histoire :

  • L’accès à la connaissance a longtemps été un privilège réservé à une élite intellectuelle, souvent liée aux classes guerrières ou religieuses.
  • Ces élites intellectuelles jouaient un rôle de conseil auprès des dirigeants, participant à la construction des structures politiques, juridiques, sociales et religieuses.
  • Ainsi, la connaissance était un marqueur social et un levier de pouvoir, renforçant les inégalités.

• Aujourd’hui :

  • La démocratisation de l’enseignement, notamment grâce à la scolarisation obligatoire et à la massification des études, ainsi que le développement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), ont largement élargi l’accès à la connaissance.
  • L’accumulation constante de nouveaux savoirs scientifiques et techniques élargit les domaines de la connaissance, rendant la maîtrise de ces savoirs indispensable dans une économie moderne.
  • Les entreprises et les travailleurs doivent désormais posséder des compétences techniques et théoriques avancées pour rester compétitifs.

• Rôle des communautés savantes et scientifiques :

  • Historiquement, ces communautés ont été les moteurs de la production et de la diffusion des connaissances.
  • Elles continuent aujourd’hui à jouer un rôle central dans l’innovation, la recherche fondamentale et appliquée.

• Rôle des États :

  • Les États interviennent activement dans la production, la diffusion et l’échange des connaissances, à travers des politiques éducatives, des financements de la recherche, et des régulations nationales et internationales.

Problématique

Pourquoi l’enjeu de la connaissance occupe-t-il une place centrale dans les sociétés contemporaines ?

I. La notion de « société de la connaissance » (Peter Drucker, 1969) : portée et débats

A) Qu’est-ce que la « société de la connaissance » ?

• Concept novateur :
  L’expression « société de la connaissance » ou « société du savoir » (knowledge society) a été introduite par Peter Drucker en 1969, marquant une étape majeure dans la compréhension des transformations sociales et économiques contemporaines.

• Constat de Drucker :
  Le monde contemporain est caractérisé par un accès à la connaissance plus facile et massif qu’auparavant, grâce à la conjonction de trois phénomènes majeurs :

• Conséquences :
  Ces transformations modifient profondément le rapport des sociétés à la connaissance, bouleversent les modes de production et d’organisation économique, et favorisent l’émergence d’une économie fondée sur l’innovation et le savoir.

B) Peter Drucker : un théoricien du management moderne

• Biographie rapide :
  Peter Drucker, professeur de science politique, philosophe et surtout spécialiste du management, est considéré comme le « pape du management » moderne. Il a profondément influencé la manière dont les organisations sont dirigées et gérées.

• Définition du management :

  Le management est la mise en œuvre des moyens humains et matériels d'une entreprise pour atteindre des objectifs de croissance.

• Contexte historique :

  • Le management moderne s’appuie sur les travaux de Frederick Taylor (scientific management), Henry Ford (production de masse) et Henri Fayol (fondateur du management administratif).
  • Drucker a innové en mettant l’accent sur l’importance des ressources humaines, de la créativité et de l’innovation, plutôt que sur la seule optimisation des moyens matériels.

• Lien avec la société de la connaissance :

  • Dans une société où la connaissance est centrale, la gestion des ressources humaines devient primordiale.
  • L’innovation, la créativité et la capacité d’apprentissage des individus sont des leviers essentiels pour la croissance économique et la compétitivité des organisations.

II. Les caractéristiques et enjeux de la société de la connaissance

A) Caractéristiques principales

• Rapidité et facilité d’accès à l’information
  Les NTIC permettent une circulation instantanée et globale de l’information, favorisant la diffusion rapide des savoirs.

• Importance de l’innovation
  La connaissance est la source principale d’innovation, moteur du développement économique, social et culturel.

• Démocratisation de l’éducation
  L’accès élargi à l’éducation permet à un plus grand nombre de participer à la production, à la diffusion et à l’utilisation des savoirs.

• Complexification des savoirs
  Les domaines scientifiques et techniques s’élargissent et se spécialisent, nécessitant une formation continue et une expertise pointue.

B) Enjeux économiques et sociaux

• Économie fondée sur la connaissance

  • Les entreprises doivent maîtriser des savoirs techniques et théoriques pour rester compétitives dans un environnement mondialisé.
  • La connaissance devient un capital stratégique, souvent intangible, mais essentiel à la création de valeur.

• Inégalités d’accès

  • Malgré la démocratisation, des inégalités persistent entre pays et au sein des sociétés, notamment en raison des disparités d’accès aux technologies et à l’éducation.
  • La fracture numérique demeure un obstacle majeur à l’inclusion.

• Rôle des États et institutions

  • Les États doivent soutenir la recherche, l’éducation, la formation et réguler la diffusion des connaissances.
  • La coopération internationale est indispensable pour partager les savoirs et relever les défis globaux.

C) Exemples concrets

III. Les débats autour de la société de la connaissance

A) Optimisme technologique vs risques

• Optimisme :

  • L’accès universel à la connaissance favorise le progrès social, économique et culturel.
  • Elle permet d’aborder et de résoudre des problèmes globaux majeurs tels que la santé, l’environnement et l’éducation.

• Risques et critiques :

  • La surabondance d’informations peut entraîner une « infobésité », rendant difficile la distinction entre informations fiables et fausses.
  • La fracture numérique accentue les inégalités d’accès.
  • La marchandisation de la connaissance, notamment par les brevets et les droits d’auteur, peut limiter l’accès libre et équitable aux savoirs.

B) La place de l’humain dans la société de la connaissance

• Importance des compétences humaines :

  • La créativité, l’esprit critique, la capacité à apprendre et à s’adapter sont des compétences clés dans cette société.
  • Le rôle des enseignants, chercheurs, médiateurs et vulgarisateurs de la connaissance est crucial pour garantir la qualité et la diffusion des savoirs.

• Éthique et responsabilité :

  • La production et l’utilisation des connaissances doivent respecter des normes éthiques strictes.
  • La protection des données personnelles, la lutte contre la désinformation et la garantie de l’intégrité scientifique sont des enjeux majeurs.

Conclusion

La connaissance occupe une place centrale dans les sociétés contemporaines car elle conditionne le développement économique, social et culturel. La « société de la connaissance », telle que théorisée par Peter Drucker, illustre une transformation profonde où l’accès, la production et la diffusion des savoirs sont facilités par les technologies et l’éducation. Cependant, cette évolution soulève des défis importants liés aux inégalités, à l’éthique et à la gestion humaine des savoirs. Comprendre ces enjeux est essentiel pour participer activement à cette société en mutation.

Résumé des concepts clés

Ce document vous permettra de comprendre en profondeur les enjeux liés à la connaissance dans nos sociétés modernes, en articulant théorie, exemples concrets et débats actuels. Bonne révision !