Fiche de Révision : Interaction, Identité et Stigmate selon Erving Goffman

Introduction

Erving Goffman (1922-1982) est un sociologue canadien reconnu pour ses travaux sur l'interaction sociale, l'identité et la stigmatisation. Son approche microsociologique repose sur l’étude des comportements dans les interactions de la vie quotidienne, conceptualisées comme une "mise en scène" où chaque individu joue un rôle.

Cette fiche synthétise les concepts clés de son cours sur Interaction, Identité et Stigmate, en expliquant les notions fondamentales et illustrant leurs relations.

1. L’Interaction Sociale : La Mise en Scène de la Vie Quotidienne

1.1. La Métaphore Théâtrale

Goffman compare la vie sociale à une représentation théâtrale, où :

• Les individus = acteurs
• Le cadre social = scène
• Les comportements = performance
• Les autres = spectateurs

Cette approche est développée dans son ouvrage majeur "La Mise en scène de la vie quotidienne" (1959).

1.2. Les Concepts Clés de l’Interaction

• Face (visage social) : Image positive que l'individu veut projeter.
• Face-work : Ensemble des stratégies utilisées pour préserver sa face et celle des autres.
• Rôle : Comportement attendu selon la position sociale.
• Cadre (frame) : Contexte interprétatif qui donne sens à l’interaction.

1.3. Scène Avant et Scène Arrière

• Scène avant (front stage) : Lieu où l’acteur joue son rôle en public.
• Scène arrière (back stage) : Lieu privé où l’acteur peut se détendre, préparer sa performance ou abandonner son rôle.

Exemple : Un professeur en classe (scène avant) doit paraître compétent et sûr de lui, alors qu’en coulisses (scène arrière) il peut exprimer ses doutes.

2. L’Identité selon Goffman

2.1. L’Identité comme Construction Sociale

Pour Goffman, l’identité n’est pas une essence fixe mais un produit de l’interaction. Elle est continuellement négociée et construite dans les échanges sociaux.

2.2. L’Identité et la Gestion des Impressions

L’individu cherche à contrôler la perception que les autres ont de lui via :

• Les signes personnels : Apparence, langage corporel, vêtements.
• Les indices contextuels : Lieu, temps, comportement.

Cette gestion des impressions est nécessaire pour maintenir la cohérence de la face.

2.3. Identité "Maîtrisée" et "Déraisonnable"

• Identité maîtrisée : Correspond au rôle que l’on souhaite incarner.
• Identité déraisonnable : Lorsque l’individu échoue à maintenir la face (ex : maladresse, contradiction).

3. Le Stigmate : L’Identité Dévalorisée

3.1. Définition du Stigmate

Dans "Stigmate : Les usages sociaux des handicaps" (1963), Goffman définit le stigmate comme un attribut profondément dévalorisant qui réduit une personne d’un "homme entier et normal" à un "homme diminué".

3.2. Types de Stigmates

• Stigmates physiques : Handicap, cicatrices, difformités.
• Stigmates de caractère : Traits perçus comme déviants (ex : alcoolisme).
• Stigmates tribaux : Appartenance à un groupe dévalorisé (ex : race, religion).

3.3. Conséquences du Stigmate sur l’Identité

• Identité virtuelle : Image que les autres ont de la personne stigmatisée.
• Identité réelle : Ce que la personne est effectivement.

Le stigmate crée un décalage entre identité virtuelle et réelle, entraînant une marginalisation.

3.4. Stratégies de Gestion du Stigmate

• Passage (passing) : Cacher le stigmate pour être perçu comme "normal".
• Divulgation (disclosure) : Admettre son stigmate pour en contrôler l’image.
• Rébellion : Revendiquer le stigmate comme une marque d’identité positive.

Exemple : Une personne sourde peut choisir de cacher son handicap (passage) ou d’affirmer son appartenance à la communauté sourde (rébellion).

4. Synthèse des Relations entre Interaction, Identité et Stigmate

[Diagramme]

• L’interaction sociale est le processus où l’identité est construite et négociée.
• La gestion des impressions vise à maintenir la face positive.
• Le stigmate perturbe cette gestion et dévalorise l’identité.
• Les individus stigmatisés développent des stratégies pour gérer cette tension, réintégrant ainsi leur identité dans les interactions.

5. Concepts Complémentaires et Applications

5.1. L’Interaction Rituelisée

Goffman insiste sur le caractère ritualisé des interactions, où respect, politesse, et règles tacites assurent la fluidité sociale.

5.2. Le Rôle des Institutions

Les institutions (école, hôpital, prison) imposent des cadres spécifiques pour les interactions, renforçant ou atténuant la stigmatisation.

Exemple : Un hôpital psychiatrique peut renforcer le stigmate des patients, mais aussi offrir un cadre pour la réhabilitation.

5.3. Application en Psychologie Sociale et Santé Publique

• Comprendre la stigmatisation permet d’améliorer l’intégration sociale des personnes marginalisées.
• La gestion des impressions est utilisée dans les thérapies pour restaurer l’estime de soi.

6. Citation Clé

"La vie sociale est une scène où chacun cherche à préserver une image favorable de lui-même, malgré les stigmates qui peuvent le marquer."
— Erving Goffman

Conclusion

L’approche de Goffman éclaire les mécanismes subtils de la vie sociale, montrant comment :

• L’interaction est une performance où l’identité est construite.
• La face sociale est un enjeu fondamental.
• Le stigmate est un défi à cette construction, nécessitant des stratégies spécifiques.

Cette perspective reste incontournable pour comprendre la dimension symbolique et relationnelle des identités dans la société.

Pour Approfondir

• Goffman, Erving (1959). La Mise en scène de la vie quotidienne.
• Goffman, Erving (1963). Stigmate : Les usages sociaux des handicaps.
• Hughes, Everett C. (1984). Erving Goffman.

Fiche réalisée par un expert en sociologie