L’élève en Éducation Physique : Évolution historique de 1869 à aujourd’hui

Introduction

L’évolution de la place de l’élève en Éducation Physique et Sportive (EPS) s’inscrit dans un cadre historique large, qui va bien au-delà du simple apprentissage du corps et du geste sportif. Depuis la fin du XIXe siècle, la transformation des concepts d’« enfance » et d’« élève » a profondément modifié la pédagogie, les pratiques et les représentations dans le domaine de l’éducation physique.

1. Concepts d’« Enfance » et d’« Élève » : Cadres historiques et pédagogiques

1.1. La notion d’enfance : émergence et construction historique

Le concept d’enfance, aujourd’hui central dans la pédagogie, n’a pas toujours existé en tant que tel. Étymologiquement, le mot « enfance » vient du latin infans (in = sans, fari = parler), signifiant littéralement « celui qui ne parle pas ». La reconnaissance de l’enfance comme une phase spécifique de la vie apparaît surtout au XVIIIe siècle, grâce notamment aux réflexions de Philippe Ariès, premier historien à étudier l’apparition du « sentiment de l’enfance » dans son ouvrage L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960).

Cette émergence est liée à plusieurs facteurs sociaux et culturels :

• La massification scolaire : la scolarisation progressive des enfants a permis de considérer l’enfance comme un temps d’apprentissage et de formation spécifique.
• Les idées des Lumières et révolutionnaires : l’égalité à la naissance et le mérite individuel ont fait de l’éducation un vecteur de promotion sociale.
• L’influence de la bourgeoisie libérale du XVIIIe siècle : l’éducation devient un outil d’émancipation individuelle.

Les traités pédagogiques du XVIIIe siècle

Plusieurs ouvrages majeurs ont contribué à formaliser la conception moderne de l’enfance et de l’éducation :

• Abbé Bordelon, La belle éducation (1694)
• Jean Pic, Maximes et réflexions sur l’éducation de la jeunesse (1690)
• Fénelon, De l’éducation des filles (1687)
• John Locke, De l’éducation des enfants (1708)
• Louis-René de la Chalotais, Essai d’éducation nationale (1736)
• Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation (1762)

Rousseau souligne l’importance d’étudier l’enfant pour mieux adapter l’éducation à ses capacités réelles :

« On ne connaît point l'enfance : sur les fausses idées qu'on en a, plus on va, plus on s'égare. [...] Commencez donc par mieux étudier vos élèves ; car très assurément vous ne les connaissez point ».

Le XVIIIe siècle pose ainsi l’enfance comme un âge d’apprentissage actif, non plus simplement un temps de préparation à la vie adulte.

L’adolescence comme « classe d’âge »

Agnès Thiercé (1999) souligne que l’adolescence devient également un objet d’étude spécifique, une « classe d’âge » avec ses propres savoirs et pratiques, dans la période 1850-1914.

1.2. L’élève : définition et évolution conceptuelle

L’évolution du concept d’« élève » est liée à l’évolution de la pédagogie et du système scolaire.

• Origine latine : elevare (soulever, porter hors) et levis (légèreté, lever)
• Initialement, « élève » désignait une personne instruite dans un art par un maître (précepteur).
• Puis, ce terme s’est appliqué à l’enfant recevant un enseignement dans un cadre scolaire, marquant une désacralisation progressive du rôle d’élève, qui devient une position institutionnelle plutôt que noble.

Le sens moderne de l’élève est proche du latin discipulus (« apprenti »), mettant l’accent sur l’acquisition des connaissances.

Chronologie de l’évolution du terme « élève » :

• Avant 1959 : « élève » désigne surtout celui qui est à l’école (état passif).
• À partir de 1959 : dans les textes officiels, le concept se stabilise autour de l’idée d’apprenant.
• Aujourd’hui : la posture de l’élève s’inverse, avec une responsabilisation croissante et une implication plus active dans son apprentissage.

2. La place de l’élève en Éducation Physique : enjeux et transformations

2.1. L’élève au centre du système scolaire : un idéal ancien

L’idée de « placer l’élève au centre du système scolaire » est une ambition ancienne. Edouard Claparède, dès 1913 avec l’ouverture de l’Institut Jean-Jacques Rousseau à Genève, souligne cette nécessité.

Cependant, cette transformation est difficile car elle remet en question :

• Les usages traditionnels de l’école
• Les méthodes pédagogiques traditionnelles

Ces modifications impliquent une redéfinition profonde du rôle de l’élève non seulement comme récepteur passif, mais comme acteur de son apprentissage.

2.2. L’élève en éducation physique : d’un corps à discipliner à un sujet acteur

Historiquement, l’éducation physique visait avant tout à discipliner le corps, à transmettre des gestes techniques et à développer l’effort physique dans une perspective souvent normative.

Progressivement, la conception évolue vers une mise en valeur de l’élève en tant que sujet, avec :

• Une reconnaissance de ses capacités spécifiques
• Une adaptation des pratiques pédagogiques à ses besoins et à son rythme
• Une responsabilisation dans le processus d’apprentissage

3. Synthèse visuelle : évolution du concept d’élève et d’enfance

[Diagramme]

4. Illustrations et documents clés

• Image d’un extrait de texte de Rousseau sur l’enfance, mettant en lumière la nécessité d’étudier les élèves pour mieux adapter l’éducation :

• Image illustrant la responsabilisation de l’élève dans les pratiques éducatives modernes :

Conclusion

L’histoire de l’élève en Éducation Physique témoigne d’un long cheminement depuis la perception d’un corps à discipliner vers la reconnaissance d’un sujet apprenant et responsable. Cette transformation, qui s’inscrit dans des évolutions plus larges de la pédagogie et de la société, met aujourd’hui l’élève au centre des préoccupations éducatives, notamment dans la préparation au CAPEPS 2025.

Références principales

• Jacques Gleyse, De l'enfant à l'élève en Education Physique, 1887-2004, in Gilles Lecocq, Jacques Gleyse, Didier Cèbe, L'EPS : de ses environnements à l'élève, Vigot, 2004.
• Philippe Aries, L'enfant et la vie familiale sous l'ancien régime, Seuil, 1960.
• Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, 1762.
• Agnès Thiercé, Histoire de l’adolescence (1850-1914), Belin, 1999.