Histoire du droit public : affirmation et renforcement du pouvoir royal au Moyen Âge

L'histoire du droit public en France au Moyen Âge est marquée par l'affirmation progressive de l'indépendance et de la souveraineté royale face à deux puissances majeures : l'Empereur germanique et le Pape. Parallèlement, le pouvoir royal se renforce dans ses prérogatives régaliennes, notamment en matière de paix, de justice, de législation, de finances et d'administration. Cette fiche retrace ces évolutions majeures, illustrées par des exemples concrets et des institutions clés, afin de comprendre comment le pouvoir royal s'est progressivement centralisé et affirmé.

1. Affirmation de l'indépendance du royaume de France

1.1 Indépendance vis-à-vis de l'Empereur germanique

Au XIIIe siècle, le Saint Empire romain germanique, héritier de l'empire carolingien, revendique une prééminence sur le territoire français. Cependant, Philippe Auguste, roi de France à la fin du XIIe et début du XIIIe siècle, obtient du Pape une décrétale, dite père vénérable, affirmant que le roi de France ne reconnaît aucun supérieur temporel. Cette décision marque une étape majeure dans l'affirmation de la souveraineté royale, en excluant toute subordination à l'Empereur germanique.

1.2 Indépendance vis-à-vis du Pape : la querelle bonifacienne

La fin du XIIIe siècle voit s'intensifier la querelle entre Boniface VIII et le roi de France. Le roi, en quête de ressources, souhaite imposer davantage d'impôts. L'emprisonnement d'un évêque accusant le roi de faux-monnayage provoque la réaction papale par la bulle Unam Sanctam, qui affirme l'unité de l'Église sous le Pape. Toutefois, cette bulle est déformée par les légistes du roi, rendant son contenu inacceptable pour la couronne française et renforçant ainsi l'indépendance royale face au pouvoir pontifical.

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2. Renforcement des prérogatives royales

Le roi de France consolide son autorité à travers plusieurs domaines essentiels : la paix, la justice, la législation, les finances, l'armée et l'administration.

2.1 Assurer la paix dans le royaume

La paix est une prérogative fondamentale du roi, soutenue par l'Église. Deux institutions médiévales illustrent cette volonté :

• La paix de Dieu : protège les plus vulnérables (religieux, pèlerins, femmes, enfants, malades) en considérant leur atteinte comme une offense à Dieu.
• La trêve de Dieu : interdit les combats durant certaines périodes sacrées.

Pour asseoir son autorité, le roi réunit les grands du royaume et fait adopter l'ordonnance de Soissons, première loi royale adoptée avec leur accord, garantissant la paix pour dix ans, une durée réaliste face à la faiblesse relative du pouvoir royal face aux seigneurs.

2.2 Le pouvoir judiciaire royal

Dès le XIIe siècle, la justice royale s'impose face à la justice seigneuriale ou ecclésiastique. Le droit d'appel permet de porter les affaires devant une juridiction royale, et la prévention donne aux agents royaux le pouvoir de juger rapidement les infractions. Les cas royaux, jugés trop graves pour les seigneurs, s'élargissent, et au XIIIe siècle, le roi devient la source de toute justice, symbolisée par le sceau royal représentant le souverain rendant justice.

2.3 Le pouvoir normatif : légiférer en paix et en guerre

Le pouvoir législatif du roi se manifeste notamment par l'ordonnance de Soissons (1155). Philippe de Beaumanoir, juge d'appel et bailli, précise que :

• En temps de paix, le roi doit veiller au respect des coutumes.
• En temps de guerre, il peut légiférer avec ses conseillers, toujours dans l'intérêt général (commun profit), pour une cause raisonnable et en respectant les mœurs.

L'ordonnance royale, notamment d'exception ou de réformation, vise à remettre de l'ordre dans le désordre existant, sans créer de nouveauté, mais en restaurant la forme initiale. Cette législation est un ordre qui doit être obéi sous peine de sanction.

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3. Consolidation du pouvoir royal : finances, armée et administration

3.1 Finances et armée : vers un pouvoir royal renforcé

L'Ordonnance d'Orléans de 1432 instaure la taille royale comme un impôt permanent, permettant au roi de lever directement des fonds sans passer par les seigneurs. Ce changement est majeur : l'impôt devient un devoir envers l'État, qui en échange offre des services publics et une protection assurée par une armée royale renforcée.

Pendant la guerre de Cent Ans, notamment en 1439, cette armée est mieux équipée, ce qui accroît le pouvoir du roi et l'indépendance du royaume. Le roi devient ainsi presque libre dans ses choix, s'entourant de conseillers de son choix, et son autorité n'a jamais été aussi forte depuis un millénaire.

3.2 Une administration centralisée et organisée

Pour centraliser son pouvoir, le roi développe une administration organisée :

• L’Hôtel du Roi regroupe domestiques et officiers aux fonctions diverses, comme :
  • Le connétable : chef de l’armée
  • Le chambrier : gardien des palais et des finances
  • Le chancelier : gardien du sceau royal

Ces officiers sont souvent des ministres de plein exercice, dont les fonctions peuvent être créées ou supprimées selon les besoins.

• Les organes de conseil :
  • La Curia Regis (XIe-XIIe siècles) réunit les grands du royaume pour aider le roi dans ses décisions.
  • Le Conseil du roi, plus stable et permanent, prend toutes les décisions importantes, notamment en matière de finances et de guerre.

3.3 Les États généraux et l’administration locale

Les États généraux sont des réunions temporaires des représentants des trois ordres, convoquées pour traiter des questions majeures, souvent fiscales. Leur convocation reste cependant irrégulière, parfois espacée d’un siècle.

Au niveau local, le roi délègue son autorité à des agents publics chargés de faire appliquer le droit :

• Les officiers : fonction irrévocable, souvent héréditaire et vénale.
• Les commissaires : fonction révocable à tout moment, permettant au roi un contrôle strict.

Cette dualité perdure jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.

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Conclusion : points clés à retenir

• L'indépendance du royaume de France au XIIIe siècle s'affirme face à l'Empereur germanique grâce à la décrétale père vénérable, et face au Pape lors de la querelle bonifacienne.
• Le roi renforce ses prérogatives régaliennes en assurant la paix (paix de Dieu, trêve de Dieu, ordonnance de Soissons), en imposant la justice royale (droit d'appel, cas royaux), et en développant un pouvoir normatif encadré.
• La dualité paix/guerre structure l'exercice du pouvoir législatif royal : respect des coutumes en paix, législation avec conseillers en guerre, toujours pour l'intérêt général et dans le respect des mœurs.
• L'instauration de la taille permanente en 1432 et le renforcement de l'armée pendant la guerre de Cent Ans accroissent considérablement le pouvoir royal.
• Une administration centralisée et des organes de conseil stables permettent au roi de gouverner efficacement, tandis que les États généraux restent un outil occasionnel.
• Au niveau local, la distinction entre officiers irrévocables et commissaires révocables illustre la volonté du roi de contrôler son administration.

Cette évolution progressive du pouvoir royal au Moyen Âge constitue la base du droit public français moderne, fondée sur la souveraineté de l'État et la centralisation administrative @dochistorique au droit public pt2.pdf @dochistorique au droit public pt2.pdf.