CM 11

Dynamique et tensions2 décembre 2025
S'entraîner avec cette fiche
Fais tes flashcards, tes quiz, ton examen blanc

Fonctionnalités avancées disponibles dans l'application

  • Images
  • Formules mathématiques
  • Diagrammes avec rendu pro et scolaire sur l'app
Commencer gratuitement

Le développement des tensions entre puissances coloniales françaises et anglaises, ainsi que les contestations internes au système colonial français, constituent un moment clé de l’histoire coloniale du XVIIIe siècle. Ce contexte est marqué par plusieurs guerres, rivalités économiques et politiques, ainsi que par les premières contestations morales et politiques de la colonisation et de l’esclavage.

1. Les tensions en Indes (1713-1748)

L’essor français en Inde est largement symbolisé par la carrière de Duplex, qui débute dans la contrebande avant de devenir en 1731 directeur du comptoir de Chandernagor, poste qu’il occupe pendant dix ans. En 1742, il est nommé gouverneur de Pondichéry, représentant du roi de France et directeur du comptoir. Il obtient le titre de nawab, reconnaissance officielle par les institutions indiennes, et crée un réseau puissant pour s’insérer dans les affaires des souverains locaux. Son épouse Vincens, surnommée la begum (princesse en indien), joue un rôle important dans cette insertion, maîtrisant la langue et s’intégrant dans le système indien.

Cependant, la rivalité avec l’East India Company anglaise s’intensifie, conduisant aux guerres carnatiques. La première guerre carnatique (1746-1748) est une extension coloniale de la guerre de Succession d’Autriche qui éclate en Europe en 1740. Duplex, avec le soutien naval de la Bourdonnais basé à Port Louis, ouvre les hostilités. La bataille navale de Négapatam est indécise, mais les Français occupent Madras de 1746 à 1748. Malgré des dissensions entre Duplex, qui souhaite étendre le territoire, et de la Bourdonnais, qui préfère négocier un échange contre rançon, Duplex casse le traité. Les Anglais assiègent Pondichéry sans succès. Le prestige de Duplex grandit, notamment auprès des souverains indiens, soulignant la supériorité européenne sur les armes indiennes.

La paix d’Aix-la-Chapelle en 1748 rétablit le statu quo colonial, sans changement territorial, mais les Anglais commencent à repenser leur stratégie géopolitique face aux Espagnols et aux Français @docCM 11.docx.

2. La guerre de Sept Ans (1754-1763)

2.1. Les prémisses coloniaux

La paix ne règle pas les tensions, qui reprennent dès le milieu des années 1750. Duplex, à son apogée, exploite les querelles de succession en Inde, menant un conflit déconnecté de la réalité européenne. La deuxième guerre carnatique (1749-1754) oppose Français et Anglais via leurs alliés locaux : les Français soutiennent le Nawab de la Carnatique, les Anglais le Nisam. Le siège d’Arcot en 1751 aboutit à la transformation de la province de Carnatique en protectorat français, avec une armée permanente composée de 300 soldats français et 2000 cipayes (soldats indiens organisés à l’européenne). Cette force permet aux Français d’intervenir militairement dans la région.

Toutefois, Duplex est critiqué par ses pairs pour son ambition excessive, et il est renvoyé en 1754. Son successeur cherche à rétablir de bonnes relations avec l’East India Company et à privilégier le commerce plutôt que la conquête territoriale.

En Amérique du Nord, les tensions montent également, notamment dans la région de l’Ohio, où Français et Anglais s’affrontent pour le contrôle du territoire. La guerre de Sept Ans commence ici dès avril 1754, suite à une expédition militaire menée par le colonel de la milice de Virginie, Georges Washington, qui échoue à repousser les Français.

Le « grand dérangement » de 1755 concerne les Acadiens, colons français d’Acadie désormais sous domination anglaise. Malgré leur neutralité et leur fidélité au roi britannique, ils sont suspectés de loyauté envers la France et déportés, dispersés notamment au Canada.

2.2. Une guerre mondiale sur trois théâtres coloniaux

La guerre de Sept Ans devient un conflit mondial opposant Français, Anglais et Espagnols (à partir de 1762) sur trois principaux théâtres coloniaux : l’Inde, l’Amérique du Nord et les Antilles.

  • En Inde, la situation héritée des guerres carnatiques est tendue. En 1756, le nawab du Bengale tente d’arbitrer en mettant fin aux tensions franco-anglaises, mais les forces bengalaises prennent les comptoirs britanniques comme Calcutta. Les Anglais répliquent en s’emparant de Chandernagor. La troisième guerre carnatique culmine avec la bataille de Plassey en 1757, où 900 Britanniques et 2200 cipayes affrontent 50 000 hommes bengalais avec artillerie française. Les Britanniques remportent la victoire grâce à la trahison de Mir Jafar, qu’ils soutiennent pour prendre le trône du Bengale. Lally Tollendal, nouveau chef français, subit une série de défaites et se replie à Pondichéry, encerclé par les Anglais. La ville tombe en janvier 1761, marquant l’expulsion des Français d’Inde.
  • En Amérique du Nord, les tensions dans la vallée de l’Ohio se poursuivent. Après la mort de M. de Jumonville, Louis XV cherche à apaiser la situation, mais les Anglais lancent une offensive majeure avec la capture de 300 navires et 2500 à 3000 marins. Au Québec, Montcalm, commandant français, attaque les forts anglais d’Oswego et William Henry. En 1758, les Anglais prennent Louisbourg, puis en 1759, Wolfe débarque avec 11 000 hommes et affronte Montcalm (18 000 hommes) lors de la bataille des plaines d’Abraham, où Montcalm meurt en tentant une sortie.
  • Aux Antilles, les Anglais tentent de prendre des îles françaises. Ils échouent à Martinique mais réussissent à prendre la Guadeloupe, qui devient une base pour des opérations ultérieures. Les conditions climatiques, les maladies et le ravitaillement posent problème aux troupes anglaises.

Le traité de Paris (1763) marque la fin de la guerre avec des gains territoriaux pour la Grande-Bretagne : plusieurs îles des Caraïbes, le Canada, mais pas les îles à sucre françaises comme Saint-Domingue. Les tensions entre colons britanniques et métropole apparaissent, notamment sur la question des frontières et des relations avec les populations indiennes. La métropole britannique impose des mesures pour limiter l’expansion coloniale, ce que les colons refusent, posant les bases des futurs conflits internes.

La question de l’Exclusif, c’est-à-dire le monopole commercial des colonies, est remise en cause. La contribution financière des colonies à leur propre défense est débattue, les autorités britanniques estimant que les colons doivent payer car ils en bénéficient, mais ceux-ci refusent @docCM 11.docx.

3. Vers la fin du premier empire colonial français ?

3.1. Contestations du système colonial

Au XVIIIe siècle, le système colonial français est contesté sur plusieurs plans :

  • Contestations économiques : le développement du libre-échange et de la libre concurrence remet en cause le monopole colonial, ruine l’idée même des colonies. Adam Smith, dans De la richesse des nations, critique ces pratiques.
  • Contestations morales : la colonisation est dénoncée comme illégale, car elle s’empare de terres habitées sans consentement, accompagnée de destruction et d’asservissement des populations autochtones. Diderot, dans son ouvrage sur les deux Indes, qualifie la colonisation de « crime des nations ».
  • Contestations de l’esclavage : un courant abolitionniste émerge, porté par les Lumières qui défendent la liberté au nom du droit naturel. Turgot démontre que l’esclavage n’est pas rentable, et entre 1750 et 1770, l’opinion évolue de l’indifférence à la gêne, puis au refus. L’influence religieuse est limitée, mais quelques figures comme l’abbé Grégoire ou l’abbé Prévot soutiennent l’abolition.
  • Courant utilitariste : la rentabilité des colonies passe par une réforme de l’esclavage. Dupont de Nemours montre que des ouvriers libres coûteraient aussi cher que des esclaves, et Condorcet prévoit une période provisoire de 77 ans avant une abolition progressive.

Cependant, la Révolution française complique la question, notamment avec le slogan « Liberté, Égalité, Propriété », qui remet en cause le droit de propriété des colons sur leurs esclaves.

3.2. Troubles révolutionnaires dans les territoires coloniaux

La Révolution française peine à s’emparer de la question de l’esclavage. En 1788, Brissot fonde la Compagnie des Amis des Noirs, réclamant la fin de la traite et des droits civils pour les libres de couleur. Cette initiative est combattue par le Club Massiac, composé de planteurs et négociants influents.

En juin 1791, l’Assemblée Constituante se dessaisit de toute délibération sur les questions coloniales autres que celles concernant les libres de couleur, renvoyant le débat aux assemblées coloniales.

Dans les années 1780, après la guerre d’indépendance américaine, 40 000 à 45 000 nouveaux esclaves sont déportés chaque année d’Afrique vers les colonies françaises.

En août 1793, une insurrection éclate à Saint-Domingue, la plus grande concentration d’esclaves des Amériques. Cette révolte conduit à l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue le 23 août 1793, décision ratifiée à Paris en février 1794.

À la Martinique, la Révolution provoque des divisions : certains colons favorables à l’esclavage demandent l’aide des Anglais, qui prennent l’île sans abolir l’esclavage. En Guadeloupe, des révoltes éclatent, et après une prise anglaise en avril 1794, la colonie est reconquise en juin, marquant la première abolition.

Aux Mascareignes, l’assemblée coloniale résiste à l’émancipation des Noirs. En septembre 1794, l’esclavage est officiellement aboli, mais les Noirs ne sont pas informés et la mise en œuvre est sabotée, provoquant des émeutes et le « fatal secret » ou « complot » de Sainte Rose en décembre 1799, avec onze condamnations à mort.

3.3. Napoléon et le rétablissement du système

Le 23 mars 1802, la paix d’Amiens entraîne la rétrocession des territoires coloniaux, notamment la Martinique. Bonaparte rétablit l’esclavage.

Saint-Domingue résiste à ce retour en arrière. Un corps expéditionnaire français succombe à une épidémie de fièvre jaune et aux combats menés par des généraux noirs et mulâtres, notamment Toussaint Louverture, Jean-Jacques Dessalines et Pétion. La bataille de Vertières, le 18 novembre 1803, marque la victoire des insurgés et la naissance de la république d’Haïti, premier État noir indépendant des Amériques @docCM 11.docx.


Synthèse des événements majeurs

[Diagramme]

Ce tableau illustre la progression des tensions coloniales, les guerres successives, les contestations internes et les conséquences majeures sur l’empire colonial français au XVIIIe siècle @docCM 11.docx.


En conclusion, le XVIIIe siècle est une période de fortes tensions coloniales entre la France et la Grande-Bretagne, marquée par des guerres aux multiples théâtres, des rivalités économiques et politiques, et des contestations croissantes du système colonial et de l’esclavage. Ces dynamiques annoncent la fin du premier empire colonial français et ouvrent la voie à des transformations majeures au siècle suivant.

Agent CTA Background

Transformez votre façon d'apprendre

Commencer maintenantRejoignez des milliers d'étudiants qui ont déjà transformé leur apprentissage