PSYCO - 03 - Développement affectif de l’enfant (PARTIE 2)
Le développement affectif de l’enfant s’appuie principalement sur la théorie de l’attachement, qui considère ce dernier comme un besoin primaire fondamental. Cette fiche explore les mécanismes, les dynamiques et les manifestations de l’attachement chez l’enfant, en s’appuyant sur les travaux de John Bowlby, Mary Ainsworth, et les expériences de Harlow, ainsi que sur l’observation clinique des différents types d’attachement.
1. La théorie de l’attachement : fondements et mécanismes
1.1. Le système d’attachement et ses fonctions
John Bowlby a conceptualisé l’attachement comme un système inné visant à maintenir la proximité entre l’enfant et sa figure d’attachement, garantissant ainsi un sentiment de sécurité essentiel à son développement. Ce système s’active en cas de menace ou de détresse, déclenchant des comportements d’attachement tels que les sourires, les pleurs, les vocalisations, et les efforts pour se rapprocher de la figure d’attachement.
Cette figure d’attachement peut être multiple (mère, grands-parents, autres proches) et se caractérise par un engagement à répondre aux besoins affectifs et de protection de l’enfant. La relation d’attachement se construit progressivement, notamment à partir de 8 mois, lorsque l’enfant manifeste une angoisse face à l’étranger, signe qu’il distingue sa figure d’attachement des autres personnes.
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1.2. Développement du système d’attachement dans le temps
Le système d’attachement évolue avec l’âge et la maturation cognitive de l’enfant :
- De la naissance à 6 mois : l’enfant différencie ses figures d’attachement sans encore manifester d’attachement spécifique.
- De 6 mois à 3 ans : les schémas d’attachement se mettent en place, avec une recherche active de proximité en cas de détresse.
- Après 3 ans : l’enfant comprend mieux les intentions d’autrui et supporte l’éloignement, ce qui facilite son adaptation à des environnements nouveaux comme l’école maternelle, bien que certains enfants puissent encore manifester une détresse liée à la séparation.
Le système d’attachement fonctionne comme un système de veille, activé en cas de menace, et la figure d’attachement joue un rôle de base de sécurité permettant à l’enfant d’explorer son environnement en confiance.
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2. Les modèles internes opérants et leurs implications
Le lien d’attachement est une connexion émotionnelle intime, généralement dirigée du plus faible (l’enfant) vers celui qui protège (la figure d’attachement). À partir des interactions répétées avec ses parents, l’enfant construit des modèles internes opérants qui influencent durablement son comportement.
Ces modèles comprennent :
- Le modèle de soi : image de soi comme digne d’amour et de soin.
- Le modèle d’autrui : perception de la fiabilité et de la disponibilité de l’autre.
Ces représentations se forment vers 5 mois et conditionnent la manière dont l’enfant gère ses besoins affectifs. Par exemple :
- Un bébé dont la mère rejette systématiquement ses demandes peut inhiber son système d’attachement, une adaptation normale face à un manque de réponse.
- À l’inverse, certains enfants hyper-activent ce système, devenant très demandeurs, souvent en cas d’alternance entre proximité et rejet.
- L’attachement désorganisé se manifeste par des comportements contradictoires et est souvent lié à une figure d’attachement source de peur.
Ces dynamiques sont particulièrement cruciales chez les enfants placés en famille d’accueil, car l’attachement se répète dans les nouvelles relations et nécessite un accompagnement spécifique pour éviter le rejet et l’échec du placement.
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3. L’importance vitale de l’attachement : les expériences de Harlow et Spitz
Les expériences menées par Harry Harlow sur des singes macaques ont démontré que l’attachement affectif est un besoin aussi vital que l’alimentation. Dans ces expériences :
- Des singes isolés, même nourris, développent des comportements stéréotypés, passifs, avec des postures rigides rappelant l’autisme.
- À la sortie de l’isolement, ils manifestent une panique intense, refusent de manger et dépérissent rapidement.
- Placés dans une cage avec deux substituts maternels (un en fil de fer et un en tissu doux), les bébés macaques préfèrent largement le substitut doux, s’y agrippant jusqu’à 18 heures par jour.
- Face à une menace, ils cherchent refuge auprès de ce substitut, confirmant que l’attachement est un besoin primaire.
Ces observations rejoignent celles de René Spitz qui a étudié les enfants séparés de leur mère, montrant un repli sur soi et un développement déficient.
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4. Les types d’attachement selon la Situation Étrange de Mary Ainsworth
Mary Ainsworth a développé la Situation Étrange, une méthode d’observation standardisée des réactions de l’enfant lors des séparations et retrouvailles avec sa mère, permettant d’identifier la qualité de la relation d’attachement.
4.1. Attachement sécure (environ 65 %)
- L’enfant proteste lors des séparations, avec une intensité plus forte à la deuxième séparation due à la répétition du stress.
- Il se console rapidement car il sait que sa mère revient toujours, ce qui lui procure un modèle d’autrui favorable et une bonne estime de soi.
- À son retour, il manifeste sa joie et reprend son exploration.
4.2. Attachement insécure évitant (environ 21 %)
- L’enfant ne pleure pas lors des séparations et ne cherche pas la proximité à la réunion.
- Malgré cette apparente indifférence, il présente un taux élevé de cortisol, signe d’anxiété.
- Il a intégré qu’il vaut mieux ne pas montrer ses besoins affectifs pour éviter le rejet, développant un bon modèle de soi mais un mauvais modèle d’autrui.
- Ce type d’attachement est souvent lié à des parents peu proches affectivement.
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4.3. Attachement insécure ambivalent ou résistant (environ 14 %)
- L’enfant manifeste une grande détresse lors de la séparation et a du mal à se réguler émotionnellement, souvent avec de l’angoisse.
- Lors des retrouvailles, il recherche le contact tout en rejetant la figure d’attachement, créant un double mouvement d’ambivalence difficile à apaiser.
- Ce type d’attachement reflète souvent une relation parentale ambivalente, alternant entre rejet et proximité.
- En consultation, l’observation des réactions à la séparation et aux retrouvailles permet d’identifier ces modalités, notamment en présence de comportements anxieux, coléreux ou agressifs.
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Conclusion : Points clés à retenir
- L’attachement est un besoin primaire inné, essentiel au développement affectif et à la sécurité de l’enfant.
- La relation d’attachement se construit progressivement, avec des manifestations comportementales observables dès les premiers mois.
- Les modèles internes opérants formés dans la petite enfance influencent durablement la manière dont l’enfant perçoit lui-même et les autres.
- L’absence ou la perturbation de l’attachement peut entraîner des troubles du développement affectif, comme le montrent les expériences de Harlow et Spitz.
- La Situation Étrange permet d’identifier différents types d’attachement, qui ont des conséquences importantes sur la régulation émotionnelle et les relations futures.
- La compréhension de ces dynamiques est cruciale pour accompagner les enfants, notamment ceux en situation de placement familial, afin de favoriser un développement affectif sain et sécurisé.
Cette synthèse s’appuie sur les travaux et observations présentés dans .